Rencontre avec Grégory Amela, professeur de cuisine à l’Espace Formation des Métiers et de l’Artisanat (EFMA) Auvergne- Rhône-Alpes, situé à Bourgoin-Jallieu.
- Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ? Pourquoi vous être dirigé vers l’enseignement ?
 
J’ai commencé la cuisine à 15 ans, après un cursus scolaire à l’EFMA, je suis un pur produit EFMA. D’ailleurs, nous sommes nombreux à avoir été formés ici et être revenus enseigner. Après mes études, j’ai été embauché comme second de cuisine, puis chef pendant 4 ans. C’est à ce moment-là que mon ancien professeur de cuisine m’a contacté pour me proposer de reprendre sa place, puisqu’il partait à la retraite. Je n’avais pas forcément prévu d’enseigner, mais l’opportunité s’est ainsi présentée et cela fait maintenant 13 ans que j’enseigne. J’ai vécu beaucoup de choses avec les jeunes et l’EFMA, je ne regrette absolument pas mon choix. Au début de ma carrière, je pensais rester chef. Je suis toujours resté en contact avec l’EFMA, car je formais des jeunes dans mon restaurant. Finalement, j’ai bouclé la boucle en devenant enseignant. Une belle transmission s’est opérée.

 
- Comment épaulez-vous les jeunes à travers les concours ?

Les concours, ce sont des missions qui m’ont été données assez récemment finalement, car nous en faisions peu auparavant. Mon rôle, c’est d’abord de repérer qui a le potentiel pour participer. Beaucoup se proposent, mais il faut tout de même réussir à cerner les « bons » candidats. En effet, les concours demandent beaucoup d’investissement et de préparation en amont. Ma mission est de les accompagner, les mettre dans la bonne direction, être présent pour les coacher. À côté, je suis entraîneur de rugby et c’est un peu cette même mission que je retrouve : trouver les bons schémas tactiques, le bon timing, la bonne progression, les bonnes associations… Je dois alors les mettre en confiance pour qu’ils soient dans les bonnes conditions. Il y a un rôle de formateur au début forcément, ils n’ont pas encore tout de suite les bons réflexes, les connaissances (épices, cuissons …) mais ensuite, je suis surtout là pour corriger, aider, motiver, remettre en confiance.

 
- Vous avez accompagné plusieurs jeunes, quels sont, selon vous, les atouts qu'ils doivent avoir pour réussir ces concours ?

Avant tout, il est primordial d’être passionné. Pour ce métier, il faut être motivé, mais encore plus dans le cadre d’un concours, car cela demande beaucoup de sacrifices et d’entraînement. Tout se joue en quelques heures donc il faut être prêt, être bon techniquement, maîtriser ses bases, mais aussi être à l’écoute, faire ses choix. Avoir une forme physique aussi est nécessaire, car on enchaîne les épreuves. Il y a beaucoup de travail et le talent ne suffit pas forcément. Mon rôle est de leur apporter du courage, de l’envie. Et parfois, on a de super surprises !

 
- Avez-vous une anecdote à raconter sur un événement ? Un lauréat ?

J’accompagne Dat Milton qui est une vraie machine de compétition. Des jeunes comme lui, il y en a un comme ça tous les 30 ans. Pendant un concours qui se déroulait à Paris, je savais qu’il était un peu stressé alors la veille, j’ai fait en sorte qu’on arrive de bonne heure, et j’ai organisé une rencontre avec Guy Savoy, avant les épreuves, pour lui faire la surprise. Nous avons pu visiter les cuisines et le restaurant, puis nous avons discuté avec lui une trentaine de minutes. Cette rencontre a fait du bien mentalement à Dat et lui a permis de penser à autre chose quelques heures avant le concours.
 

- Quels conseils donneriez-vous à un jeune ou une personne en reconversion qui envisagerait de se tourner vers une formation en cuisine ?

Je lui dirais que s’il a l’envie, qu’il fonce ! C’est un super beau métier qui permet de se réinventer chaque jour. Les cuisiniers français sont demandés dans le monde entier. Bien sûr, c’est un métier de passionnés où il faut être à 100% si l’on veut aller loin. Les jeunes s’en rendent vite compte d’ailleurs : on ne fait pas cela par hasard, il faut avoir du caractère et de l’envie. C’est un métier de sacrifice.


- À la fin de leur parcours scolaire, vos élèves trouvent-ils facilement du travail ?

Je reste en contact avec presque tous mes élèves. Je leur dit souvent que je suis là pour les guider, les accompagner, leur transmettre mon savoir et je suis le plus heureux quand je sais qu’ils continuent. Aujourd’hui, certains sont chefs dans de belles maisons, d’autres ont monté leur restaurant et forment à leur tour des apprentis. C’est une transmission perpétuelle. C’est ce qui est le plus enrichissant : on a tous quelque chose à transmettre. Chaque jeune a vraiment à apprendre de nous tous : collègues, chefs, professeurs…

 

- Après 13 années d’enseignement en cuisine, quel est votre regard sur ces métiers ?

Le métier après le covid a pris un grand coup, mais a permis de redistribuer les cartes. Cela a presque été une aubaine pour les jeunes finalement : les salaires sont meilleurs, les conditions de travail aussi… Tout a été remis en question. Désormais, quand un établissement trouve quelqu’un de bien, il le chouchoute pour le garder. Les restaurateurs ont compris des choses. Par exemple certains étoilés ferment plusieurs jours en semaine depuis, pour offrir une qualité de vie plus agréable à leurs salariés. Aujourd’hui en revanche, les restaurateurs manquent de cuisiniers, j’ai des appels téléphoniques toutes les semaines d’établissements qui cherchent des apprentis ou des employés. Et cela va du restaurant étoilé au routier, en passant par la brasserie. Ce métier a vraiment un bel avenir devant lui.
 
  

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