L'année 2022 a démarré sur une nouvelle crise avec la guerre en Ukraine qui a clairement cassé la dynamique du retour à la croissance et précipité les difficultés en termes d’approvisionnements et d’énergie. Un effet de ruissèlement s’est installé qui a directement impacté le secteur automobile, et par ricochet le décolletage.

Effet de ruissèlement

L’ensemble des constructeurs automobiles qui fabriquaient en Ukraine et en Russie ont été confrontés à une réduction d’activité voire à la fermeture de chaîne de montage et même de sites de production. Après un trimestre, l’effet de ruissèlement s’est installé chez les sous-traitants, dont les décolleteurs, et s’est traduit par une réduction de l’activité. Aujourd’hui, l’automobile fonctionne en « stop and go », par à-coups, avec très peu de prévisibilité.
À cela s’ajoutent les problématiques du déficit de matières premières et du manque de composants. Les clients qui se retrouvent sans pièces majeures dans leur production, ont donc arrêté de commander les autres pièces en cette fin de premier semestre 2022.
Pour rappel, au premier quadrimestre 2021, s’est posé le problème des semi-conducteurs avec un mieux attendu au second semestre 2022. La guerre en Ukraine a réempilé les difficultés, et notamment le problème des matières premières pour lequel l’automobile dépend de l’Ukraine et de la Russie. Résultat, le secteur connaît une vraie crise de longue durée, avec différentes phases (crise sanitaire, problème des composants et des matières premières, arrêt des chaînes…). Ce qui doit amener les entreprises à travailler autrement.

Situations hétérogènes

Au second quadrimestre 2021, elles ont dû s’approvisionner à des coûts non budgétisés, ce qui a impliqué un alourdissement des trésoreries. Quand le flux logistique n’est pas tenu, cela se traduit par un stockage en matières premières, mais sans sortie de produits finis. Les entreprises se transforment en unités de stockage de produits finis et de matières premières. Beaucoup se retrouvent aujourd’hui en difficultés et on constate des situations très hétérogènes.
« Avant 2008, la profession de décolletage fournissait à 80% l’automobile avec une vision transversale, aujourd’hui la situation est très différente : le décolletage est en passe de sortir de la dépendance unique à l’automobile, où il réalise seulement 50 à 55% de son chiffre d’affaires » explique Camille Pasquelin, directrice du SNDEC.
Et d’ajouter : « Certaines entreprises y réalisent seulement 15% de leur chiffre d’affaires, ce qui est plutôt positif et annonciateur d’une vraie évolution de la profession. D’autres entreprises, qui ont toujours un gros marché automobile, n’ont jamais fourni autant de pièces de motorisation à combustion interne ou thermique car elles sont présentes sur le marché mondial. Il convient donc d’avoir une vision à 360 degrés et prendre les données dans leur ensemble. »

Aiguillon européen

C’est dans cette logique que doit être mis en perspective le vote au Parlement européen de juin 2022 interdisant la fabrication des véhicules thermiques. « En réalité, on a consolidé des données factuelles, le 100% électrique est irraisonné et de nombreux revirements sont attendus, avec notamment le problème de l’accessibilité à la mobilité » précise Camille Pasquelin.
Pour les entreprises, il s’agit de se projeter vers un futur qu’elles doivent anticiper : l’injonction européenne sert d’aiguillon pour se mettre en ordre de marche et ne pas être victimes de la réduction du marché automobile en développant de nouvelles activités.

Plusieurs marchés de diversification

« Le décolletage est entré sur le rond-point de la diversification avec plusieurs voies possibles, représentant pour chaque entreprise l’occasion d’être en pleine évolution et en plein projet d’adaptation ».
  • L’aéronautique connaît aussi des va-et-vient et se développe avec la rénovation des flottes et les innovations sur les avions plus écologiques ;
  • Le médical, qui reste un peu à part, car il y a de nombreuses barrières à l’entrée, des certifications et des productions très contrôlées ;
  • Les biens d’équipement : les loisirs, les machines pour la manutention, les équipements pour la robotique.  C’est un secteur très dynamique qui enregistre une croissance à deux chiffres ;
  • Le vélo est un marché qui a le vent en poupe et il est travaillé à différents niveaux. Chaque entreprise présente sur ce créneau a son projet particulier, à l’exemple de celui du consortium WeShift et son vélo « Cocotte » lancé à Vivatech 2022. Mais ce marché n’est pas encore calibré. Les prévisions de production et de demandes de vélos sont encore difficiles à prévoir. Il y a beaucoup de pièces pour le vélo qui constituent des têtes de pont stratégiques : les moteurs électriques, les freins, les moyeux, les boîtiers, les jeux de direction, les dérailleurs…


De fait, grâce à leur diversification, un certain nombre d’entreprises de décolletage ont connu une année 2021 record. Reste qu’elles ne sont pas exemptes de problèmes pour avoir ou tenir les commandes, trouver la main d’œuvre nécessaire à leur activité ou lisser leur trésorerie.
« Mais c’est presque un mal pour un bien, car cela traduit la forte capacité des entreprises du décolletage à faire preuve une nouvelle fois d’agilité et de flexibilité, leur taille médium leur permet de s’adapter ».

Des pressions qui s'accentuent

Le décolletage, comme d’autres industries, subit directement la hausse du coût de l’électricité. Dès octobre 2021, le SNDEC a fait connaître les difficultés rencontrées par le secteur au Gouvernement et a demandé des mesures élargies vers les régimes dérogatoires. Mais c’est le mécanisme européen qui est faussé.
Autre constat, il est difficile pour les entreprises de petite taille de mener un plan stratégique et d’innovation. Dans ce cadre, le plan « Vallée de l’Arve » qui se déroule jusqu’en juin 2023, devrait être prolongé jusqu’en 2025. Une demande va être formulée dans ce sens à la Direction Générale des Entreprises.
L’enjeu est de taille. Le décolletage est un écosystème complet, avec une filière amont (fournisseurs de machines-outils, de matières premières, outilleurs, équipements de mesure et de contrôle…) et une filière aval (opérateurs de finition, traitement de surface, rectification) représentant 20% du PIB, 6000 emplois directs et 12 000 emplois indirects.
Enfin, le décolletage se trouve, comme d’autres secteurs, confronté au manque de main d’œuvre. Pour contourner ce problème, nombre d’entreprises a développé leur marque employeur ou la fidélisation de leurs salariés. Il convient encore de convaincre les jeunes que les marchés sur lesquels le décolletage se déploie sont innovants, avec de forts enjeux environnementaux.
Un salon permanent de promotion et de découverte des métiers de l’industrie et de l’entreprise, l’Open Smileouvre d’ailleurs à Cluses en septembre 2022. Il sera inauguré le 22 septembre à l’occasion de la célébration des 125 ans du Syndicat national du décolletage.

 
Source : SNDEC 

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